dimanche 20 septembre 2020

balade littéraire à Sous-Roches

     En partenariat avec Ville-Village-Nature ( Musée de la paysannerie et des vieux métiers de Valentigney), l'association Les jardins familiaux de Valentigney, Parenthèse et le service des archives de la ville de Valentigney, nous avons participé à une balade littéraire dans les jardins familiaux de Sous-Roches (il y a une autre implantation de ces jardins, aux Buis), puis dans le vieux quartier si pittoresque. Évelyne Boilaux  était à la fois organisatrice, maîtresse de cérémonie et conférencière, mais les associations et services cités ont donné de leur temps pour que tout se déroule parfaitement, en manutention, préparation de panneaux, explications au public et j'en oublie. 

    Des textes ont été lus par Évelyne Boilaux, Évelyne Virgille et votre secrétaire.

Nous étions une quarantaine pour la balade et un dernier carré de neuf  mordus s'est retrouvé pour partager un verre de jus de fruits ou d'eau minérale dans la grange du musée, en évoquant quelques souvenirs patrimoniaux. Pour celles et ceux qui ne l'ont pas encore fait, ne manquez pas une visite du musée ce dimanche ni la fête de la paysannerie le 4 octobre. (Si elle n'est pas annulée entre temps, mais le pire n'est jamais certain...)


les jardins familiaux de Sous-Roches


un auditoire attentif


l'ancienne école du vieux quartier de Sous-Roches

Voici le petit texte que j'ai lu : 

Dans les jardins d’Eden

 

 

De la même façon qu’ils ont apprivoisé des animaux, les humains ont apprivoisé les plantes. Sans doute à la même époque. Il y a mille et une façons de traiter les animaux, comme des compagnons avec qui nous partageons la terre, comme des adversaires à exterminer, comme des machines à exploiter sans écouter leur souffrance, ou comme de la viande, du minerai de viande, même, dit-on dans l'industrie alimentaire. De même, il y a mille et une façons de traiter la terre et les plantes. Entre le jardinier écolo, adepte de la permaculture, le grand céréalier de la Beauce, entre le réseau Semences Paysannes et Monsanto, entre les exterminateurs de la forêt d’Amazonie et les Indiens des Andes cultivant des pommes de terre avec toute leur expérience millénaire. Entre ceux qui prennent la nature comme une famille dont nous faisons partie, partageant la planète, et ceux qui la prennent pour un filon qu’on pille sans états d’âme, jusqu’à la dernière miette, entre ceux-là, il y a un monde.

 

C’est un tout petit morceau de notre terre, un jardin. Il y en a qui y voient une évocation du paradis perdu, d’autres qui veulent y créer de la beauté, d’autres qui veulent juste en tirer le maximum de navets. Certains veulent y reproduire une mini exploitation, rationnelle, rentable, expurgée de toute plante qui n’aurait pas été programmée. D’autres ont le souvenir de parents qui ont connu la faim et pour qui un kilo de pommes de terre était un trésor. D’autres encore se sentent inutiles au moment de prendre leur retraite et comblent leur désœuvrement en binant un carré de radis.

 

Les uns ont appris le jardinage avec leurs aînés. Là, il y a eu transmission d’un patrimoine immatériel comme on dit à l’UNESCO, en plus du patrimoine génétique. Il se passe quelque chose, quand on jardine. Surtout dans des jardins familiaux, où l’on salue les voisins jardiniers, où l’on donne replants et surplus de légumes, où l’on échange ses techniques culturales.

 

Certains recréent un petit coin de Maghreb ou de Turquie, avec leurs vignes, leurs poivrons, leurs aubergines et leurs tomates. Thé à la menthe entre jardiniers, brochettes l’après-midi sur le barbecue. D’autres, manuels de permaculture à la main, tentent de sortir des sentiers battus, avec plus ou moins de réussite. Mais pour tous, le mot culture est chargé des plusieurs sens qu’on lui trouve dans le dictionnaire : la culture des poireaux, la culture, mémoire de leur pays natal, la culture ouvrière, celle de que l’on a appelé les jardins ouvriers, ces jardins où l’on se retrouve côte à côte avec les copains d’atelier, que l’on vienne du Haut-Doubs ou des Vosges, d’Algérie ou du Portugal, d’Italie ou de Turquie.

 

Je suis fier de cultiver, même avec ma maladresse, mon manque d’assiduité, mon inexpérience, une parcelle dans ces jardins, au milieu de mes copains jardiniers. Cela vous a un petit parfum cosmopolite, ces langages différents, ces parfums différents, c’est un petit coin privilégié où l’on se sent un tout petit peu citoyen du monde. Des citoyens du monde qui feraient pousser des salades au lieu de mettre la planète à sac, de la souiller, de la saccager, de la polluer, de la détruire en offrande au dieu Dollar. Ici, c'est l'esperanto des semences, c'est l’internationale des jardiniers.  



Poème de J. Santo, écrit pour le premier congrès des jardins ouvriers, 

à Nancy, le 25 septembre 1898, lu par Évelyne Virgille :


LES JARDINS OUVRIERS

 

Au pied d’une colline au manteau verdoyant,

Des Jardins Ouvriers l’œuvre sainte et bénie

Étale ses fruits mûrs et sa paix infinie

Loin des cafés fumeux et loin du bourg bruyant.

 

Tandis que, délaissant leurs enfants et leurs femmes

D’autres au cabaret gaspillent leur santé,

Nos ouvriers, l’outil sur l’épaule jeté,

Gagnent le frais jardin qui sourit à leurs âmes.

 

Là, par un saint travail assurant l’avenir,

Oubliant les soucis écrasants de la vie,

Ils goûtent, par surcroît, en leur âme ravie,

Ce champêtre bonheur qu’on ne peut définir.

 

Et Dieu même, oui, Dieu, de l’éternel dimanche

Quittant parfois pour eux les grisantes splendeurs,

Sème la paix la plus exquise dans leurs cœurs,

Fait leur corps plus robuste et leur âme plus blanche.

 

Et puis voici venir les femmes, les enfants, 

Et tous, mêlant leurs chants aux murmures des choses, 

Goûtent un bonheur pur de tous pensers moroses 

Et puisent la santé sous les cieux triomphants.

 

Soyez bénis, ô vous dont l’âme généreuse

Aux pauvres ouvriers veut faire tout ce bien ;

Votre œuvre est bien française et son but bien chrétien

C’est de semer chez nous une semence heureuse.

 

Cette semence, un jour, en fruits saints éclora :

Les riches secourant les indigents, leurs frères,

Substituant la joie à leurs noires misères,

La question sociale enfin se résoudra.

 

Et Dieu vous le rendra !.... Dans les célestes plaines

Du Paradis, le Dieu des ouvriers, un jour,

De bonheur enivrant et d’indicible amour

À jamais gardera vos coupes toutes pleines !

 

J Santo



Texte lu par Evelyne Boilaux lors de la balade littéraire du samedi 19 sept 2020

 

 

(…) La terre, dans nos vieux pays, est menacée par un ennemi qui devrait être pour elle un bon serviteur et qui est devenu un mauvais maître : l'argent.

Elle est tyrannisée, elle est vaincue par lui au double point de vue de la productivité et de la facilité de transmission. Qu'on la considère comme richesse et qu'on la compare à l'argent, et l'on verra qu'elle lui est universellement inférieure en deux points :

-     l'argent produit de l'argent sans effort

-     l'argent se transporte en un clin d'oeil partout où il peut gagner quelque chose

 

Le revenu de la terre, lui subit le contrecoup du commerce, les aléas de la concurrence, les hasards de l'agriculture. Et si l'on veut le rendre certain et fixe, si on veut le calquer sur le revenu de l'argent, on arrive à des injustices criantes. La production naturelle de la terre obéit à d'autres lois que la production factice de l'argent. Elle obéit à des lois qu'il n'est pas au pouvoir de l'homme de modifier.

Que peut-il contre une gelée, contre une sécheresse, contre une inondation, qui détruisent ses récoltes . Rien (…)

 

Extrait de la préface de M. l'abbé Jules Lemire, député du Nord (1853-1928), fondateur de la Ligue Française du Coin de Terre et du Foyer en 1896

in « le terrianisme – la petite propriété insaisissable et assurée à tous » par le Dr Gustave Lancry, ancien interne des Hôpitaux de Paris

Ed. Delville à Dunkerque (1899)

 

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